Dix-neuf heure. Pour la plupart des étudiants, ce moment signifiait ‘temps mort !’, l’heure de rentrer chez soi pour se poser et travailler un peu, ou se détendre seul ou entre amis. Pour Cassandre, comme chaque soir de la semaine, cela signifiait se rendre jusqu’aux locaux de la radio du campus pour préparer son émission du lendemain matin. Si la plupart des gens à qui elle annonçait qu’elle jonglait entre ses études et un job à la radio étaient impressionnés qu’elle ait sa propre émission quotidienne, ils ne se doutaient souvent pas du travail que cela représentait au quotidien en dehors des heures d’antennes. Mais cela ne la dérangeait pas tant que ça : Cassie avait toujours été, et serait probablement toujours, une junkie du travail. Une bonne chose quand on compte devenir trader, pour sûr ! Alors qu’elle était installée dans le minuscule bureau que lui avait gracieusement accordé l’université pour son émission – très controversée, d’ailleurs, parce qu’elle était souvent critiquée pour son ton provocateur (n’imposer rien que le nom de l’émission avait déjà été toute une histoire, et certains bureaucrates avaient fait remonter l’affaire jusqu’au comité des associations d’Athènes, où Cassie avait dû défendre la liberté d’expression pour finalement avoir gain de cause – tout ça pour un nom à la con) – la rouquine griffonnait distraitement sur un coin d’une feuille de papier. Elle écoutait d’une oreille distraite Ezio, le co-auteur de l’émission – sans lui, elle était moitié moins drôle et percutante, elle devait bien l’admettre – mais le cœur n’y était pas. Ses idées pour l’émission du lendemain ne lui plaisaient pas, et elle-même semblait incapable de trouver une once d’inspiration. Désespérée, elle prit sa tête entre ses mains, les coudes sur le bureau, et s’ébouriffa les cheveux. « Sérieusement, suis-je la seule à penser que pour préparer une émission qui s’appelle ‘La gueule de bois’, un peu d’alcool ça serait pas du luxe ? » Bide. Ezio était une chic type, mais parfois un peu coincé. Cassandre ne lui en tenait pas rigueur d’habitude, mais aujourd’hui elle n’y pouvait rien, il l’ennuyait royalement. Son regard alla se poser sur l’horloge murale et pour la première fois depuis dix minutes, un sourire passa sur son visage : Daniel, son colocataire et sans aucun doute l’un de ses meilleurs amis, allait bientôt arriver pour une session de travail. Dieu merci ! Cassie savait qu’avec lui, elle pourrait enfin étrenner la petite surprise qu’elle avait fait entrer en douce dans les locaux et gardait précieusement cachée dans la porte droite de son bureau.